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Marie-Louise Revillet

 

Sources : Nos entretiens avec sa petite fille en 2003, Le Figaro et nos recherches aux Archives départementales.


C’est par l’acte de naissance de Judith Floria Tosca, la fille naturelle de l’artiste qu’il a été permis de reconstituer l’histoire de Marie-Louise, Sophie Revillet. Elle est née à Paris en 1862 de Fleury Revillet et de Sophie Beurlier. Elle épousa en 1882, Jean-Jacques Kahres, un chimiste allemand de l’entreprise Bayer. Ils eurent un fils Jean et une séparation de corps fut actée en 1885 à la suite de la mésentente du couple.


Marie-Louise Revillet vers 1900 (courtoisie de Mme Morin)Elève du conservatoire et sous le patronyme de Sarah Vanaloff, elle fit du théâtra et joua notamment avec Marcel Marquet duquel elle est devenue amie. Il est permis de penser qu’elle rencontra Antonio par l’entremise de son frère Edouard qui évoluait dans le même milieu théâtral auprès de Sarah Bernhardt.


Le peintre a réalisé plusieurs portraits de la dame dont Mélancolie (Musée d’Orsay). Ce portrait est décrit par Jean Lorrain dans son Pall Mall semaine du 29 janvier 1900 : " (…) d'un faire plus moelleux et moins sec que ceux que le peintre signe aujourd'hui, évoque le charme félin et rose d'une femme étonnement blonde, une créature à la carnation de fleur, aux yeux violets d'une expression ambiguë, une femme slave par le mystérieux de la physionomie et de la pose, et que je reconnais pour une actrice, aujourd'hui disparue du théâtre, Sarah Valanoff... ". La relation du peintre avec son modèle devint étroite en janvier 1887, puisqu’en novembre de la même année naissait Judith, Floria dite Florise.


Paternité et même maternité ne furent pas facile à établir puisque la déclaration, faite par Edouard de La Gandara mentionne: de père et mère non dénommés et que les frais de l’accouchement furent réglés par Marcel Marquet. C’est bien plus tard lorsque le président du Conseil de famille, Antonio, se prononce favorablement pour le mariage de sa fille mineure, que les choses s’éclairciront.


Quant à l’identification de la mère, c’est à la suite d’un fait divers impliquant la dame Revillet épouse Kahrès que son mari apprenant son infortune par la presse, attaque son épouse en désaveu de paternité. La mention du recours figurant en marge de l’acte de naissance.

Jean Kahrès, demi-frère

De Judith Floria Tosca


Monsieur Jean Kahrès, renommé Kahr (courtoisie de Mme Morin)Le fait divers en question est la tentative d’homicide de madame Leleu-Marquet à l’encontre de son mari Marcel Marquet. Celle-ci, jalouse et le soupçonnant d’adultère, l’a révolvérisé. Le Figaro du 2 novembre 1887 relate laissant à croire l’existence d’une liaison Marquet – Revillet : "Le drame qui vient de se passer rue Gozlin, à Paris, devait arriver un jour ou l'autre. Au commencement du mois dernier, M. Marquet, utilisant les loisirs que lui laissait l'Odéon, vint jouer au Havre Hamlet et Charles VII chez ses grands vassaux. Mmes Leleu-Marquet et Sarah Vélanoff accompagnaient M. Marquet.


Le premier soir, une querelle de ménage fit qu'Hamlet ne commença qu'après 9 heures pour finir vers 2 heures du matin. Le lendemain, on jouait Charles VII. En montant à la direction, j'entendis, en passant devant le foyer, le bruit d'une dispute violente c'étaient Yacoub et Berengère qui se disaient toutes sortes d'aménités extra-conjugales.

 
J'étais à causer depuis quelques minutes avec le directeur, lorsqu'on vint le prier, de la part de M. Marquet, d'intervenir amicalement auprès de Mme Leleu, qui se refusait absolument à entrer en scène.


Mais cela ne me regarde pas, gémit le directeur, qu'ils s'arrangent!

(…) Mais aussi, pourquoi les artistes dramatiques se marient-ils? C'est une position intenable pour la plupart d'entre eux.' "


Si les interactions exactes entre les parties ne sont pas explicites au moment du procès relaté par La Gazette des tribunaux du 9 février 1888, la relation en est toutefois assez croustillante : " Ce matin, la cour d’assises n’était plus un prétoire, c’était un foyer d’artistes. L’auditoire était tout rempli de pelisses, de fourrures ébouriffantes et de costumes tapageurs. Les figures rasées étaient en majorité. Il s’agissait de la comparution d’une actrice, Malvina-Léonie-Hélène-Anaïs Leleu, qui après avoir épousé en 1885 Marcel Marquet, le jeune premier de l’Odéon, plus jeune qu’elle de trois ans, s’est un beau jour, prise de jalousie et a voulu venger sur lui, à coups de revolver, la foi conjugale outragée.


M. Marquet avait noué des relations fort suivies avec une camarade de tournées théâtrales, Mme Kahrès.- Sarah Vélanoff, de son nom de guerre.- Sa femme s’en était aperçue et lui avait fait d’amers reproches en maintes occasions, le poursuivant de ses récriminations jusque sur les planches, lui faisant même un jour au théâtre, une scène de ménage en jouant une scène d’Hamlet. La rage de la jeune femme s’allumait par intervalles et la poussait aux extrémités. C’est ainsi qu’elle alla trouver, il y a plusieurs mois, le commissaire de police de son quartier pour lui demander de constater officiellement, chez Melle Sarah Vélanoff, le flagrant délit d’adultère. Le magistrat dut se refuser à cette démarche, l’adultère du mari ne pouvant donner lieu à procès verbal que lorsqu’il est commis au domicile conjugal.


(…) Mme Marquet s’était mise sur les traces de la bande joyeuse et l’avait suivie. Elle s’était introduite derrière son mari dans la maison de sa rivale et avait attendu sur le palier, revolver au poing, la sortie des convives pour faire irruption dans l’appartement. Au bout d’une demi-heure, la porte s’ouvrait pour laisser passage à quelques-uns des amis qui sortaient. Mme Marquet profita de l’entrebâillement, se précipita comme une trombe et se trouva en face de son mari. Aussitôt, elle tira sur lui cinq coups de revolver, le blessa, puis changeant tout à coup d’allure, elle se précipita sur sa victime tombée à terre et qu’elle croyait avoir tuée, s’écriant, dans une crise de sanglots et de douleur emphatique :  'Mon Marcel chéri ! je veux te baiser les pieds une dernière fois !'


Poursuivie pour tentative d’assassinat, Mme Marquet est apparue sur le banc des accusés avec des airs de résignation théâtrale : vêtue de deuil, coiffée d’un chapeau frondeur immense, la robe garnie de volants et de lés en crêpe anglais, deux espèces de chapelets de jais en guise d’épaulettes, sur un corsage 1830. L’ensemble de la toilette est prétentieux quoique sombre, et tout en cette femme, semble étudié : la démarche, le geste, la prononciation, la phrase articulée fortement, comme en scène. Ses sentiments, aussi bien que sa personne, sont dépourvus de simplicité. Elle a 27 ans, elle est blonde, elle a été jolie. Sauf quelques passages typiques, l’interrogatoire que M. le président Bérard des Glajeux conduit avec sa sagacité habituelle, n’a pas eu grand relief.

D. Vous avez voulu tuer votre mari ?

R. Oh ! non, je voulais simplement lui faire une scène qui me le ramenât ; je l’aimais malgré tout.

D. Vous n’aviez d’ailleurs contre lui aucun grief certain ?

R. Oh !…

D. Il prétend que Sarah Vélanoff n’était pour lui qu’une bonne camarade.

(…)M. Marquet, un grand jeune homme de vingt quatre ans, blond, mince, la barbe en pointe, coquet, dépose ensuite d’un air assez dégagé.. Il raconte la scène du 26 octobre et ses préliminaires. Déclare qu’il a été « atteint au sternum sans gravité - au deltoïde et à une fausse côte, et que les coups avaient été tirés de si prêt que la poudre avait fait une auréole autour de ses blessures. » C’est évidement la seule auréole que lui donnera cette affaire, car après avoir affirmé qu’il allait quitté mme Vélanoff au moment des coups de revolver et que cette femme n’avait jamais été sa maîtresse, il a répondu à une série de questions d’une façon qui a peu satisfait l’auditoire.


(…) Sarah Vélanoff, une grand blonde assez gracieuse, un peu fanée déjà malgré ses vingt quatre ans, s’avance vêtue d’une grande capote noire et d’un immense boa de fourrure grise, qui lui tombe jusqu’aux pieds. Sa déposition fort gênée n’ajoute rien aux débats. Elle prétend malgré les protestations de l’accusée n’avoir jamais été que l’amie de M. Marquet.

(...)  M. l’avocat Général Andrieu et le défenseur, M° Allain se sont renvoyés les couplets habituels sur le danger que chacun se fasse justice à soi-même et sur les graves inconvénients du revolver, et de l’autre, sur le droit que possède une épouse dédaignée de pousser sa vengeance légitime à toutes ses extrémités.

Naturellement, le jury a prononcé, comme toujours l’acquittement avec éloge. Signé CH.F."


Madame Lehman, née Revillet vers 1907 (courtoisie de Mme Morin)Le remue ménage autour de ce procès fut déclencheur du désaveu en paternité et du divorce Kahrès engagé en mai 1888 et prononcé 1890 aux torts de madame Revillet qui perdit la garde de son fils Jean.


D’après la fille de Jean Kahrès, ce dernier aurait était élevé dans un pensionnat dans les environs de Bordeaux sous un faux nom. Il retrouva sa demi-sœur à l’occasion de son mariage dont il était le témoin en compagnie des frères La Gandara.


Madame Revillet eut une réussite sociale avérée et fut remarquée pour un des premiers excès de vitesse en voiture qui ait été sanctionné. Elle demeurait dans un hôtel particulier du boulevard Malesherbes, elle avait une propriété à Saint Maur des Fossés, se remaria avec un monsieur Lehmann, antiquaire, en compagnie des La Gandara invités à la noce. A un âge très avancé elle était fichée à la gestapo ce qui montre, si besoin, son tempérament rebelle. Elle termina ses jours en 1949 en Eure et Loire non loin d’Anet où demeurait la fille qu’elle eut avec Antonio de La Gandara.


Marie Marquet, dans ses mémoires cite, ‘sans dire tout ce qu’elle n’a pas dit’, les frères La Gandara à plusieurs reprises pour avoir gardé un bon souvenir d’eux ainsi que de leur descendance.


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