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André Rouveyre


SOURCES : Bibliothèque Historique de Paris, Bibliothèque Jacques Doucet, famille Rouveyre, la Morale des Lignes [Mecislas Goldberg], Correspondance Gide-Rouveyre [Claude Martin], Carcasses Divines et Souvenirs de mon commerce [André Rouveyre], Lettres à ses pairs [Colette], Peintres et Sculpteurs que j’ai connus [Georges-Michel], Au chevet de Moréas [Marcel Coulon], Bulletin de l’Imprimerie Gourmontienne,  L'Art Vivant, De 1900 à nos jours [Florent Fels] et The Studios of Paris [John Milner]


André Rouveyre figure certainement parmi les amis les plus proches de l’artiste sa vie durant. Leurs complicités étaient grandes et les La Gandara et Rouveyre se fréquentaient. Losque Rouveyre fut atteint d’une hemophtisie qui le contraignit au sanatorium à Trouville en 1902, l’artiste fut à ses côtés.


Il réalisa le portrait au pastel de son épouse. Un portrait qui trônait dans son bureau comme on peut le distinguer sur une photo d’époque. Paul Léautaud dans son Journal littéraire écrit : « Passé un moment ce soir chez Rouveyre… Il y a chez lui un grand portrait de Mme Rouveyre, pastel par La Gandara, en toilette, chapeau, probablement à l’époque de leur mariage. Je le regarde souvent, d’autant plus qu’il est dans l’angle de la pièce, tout près de la cheminée, devant laquelle nous nous asseyons pour bavarder. Il me dit presque chaque fois : “Elle vous plaît ? Vous la trouvez bien ? Elle était jolie, n’est-ce pas?”

(…) Une photographie publiée dans une petite revue de ce temps-là : l’Eventail y montre Gourmont assis sur un banc avec le peintre Antonio de la Gandara" »


 Portrait de Lucienne Rouveyre en 1905. A droite portrait de Jacqueline Rouveyre dédicacé


Cette photographie auquel Léautaud fait référence date de 1910, elle fut prise dans la propriété qu’avait Rouveyre en foret de Fontainebelau à Avon.


L’artiste chez Rouveyre à Avon, avec Rémy Gourmont, avec Rouveyre déguisé en moine, avec Rouveyre pratiquant la boxe française


La Gandara fut un des sujets privilégiés de Rouveyre dans son ouvrage Les Carcasses divines. Et le Gil Blas du 24 mai 1912 d’écrire à propos de ces dessins :  « (…) vous y découvrirez toujours l'idée de la fin, du rictus suprême, de la décomposition. Et c'est bien ici que la chose devient magnifique : ces yeux taraudés, brûlés, desséchés d'un La Gandara si pris par les femmes; (…) »


Caricatures réalisées par André Rouveyre


C’est avec son ami Pierre Eugène Vibert que fut gravé un autre portrait plus aboutit tandis que  l’on retrouve dans la gazette The Studios of Paris de John Miller en 1988 d’autres caricatures en compagnie de Jean Lorrain, Carolus-Duran, Sem, De Max, Jean Lorrain, Carrière, Besnard, Dagnan-Bouveret, Jean Béraud, La Gandara, J. E.  Blanche, Carolus-Duran, Chartran et Cottet.


Autres caricatures signées Rouveyre et représentant Antonio de La Gandara


Une curieuse correspondance met sur la piste d’un portrait de Colette. Cette dernière propose à Rouveyre de les inviter à dîner entre deux représentations au Bataclan. Elle surnomme l’artiste Saint Vincent de La Gandara « Et dites aussi, à Saint-Vincent-de-la-Gandara qu’il est très gentil, et qu’on ira certainement boire le thé, pourvu que ce ne soit pas un samedi,… »  et elle fait allusion à une éventuelle pose  « Pourrais-je venir chez la G. à 6 h ½, pour causer avec lui de ce que je désire? ». Nous sommes en 1911.


Colette, très familière avec la Gandara s’inquiète également auprès de lui de la santé de Rouveyre. C’est à cette époque que le peintre réalise plusieurs œuvres consacrée à son ami et tout d’abord ce dessin dédicacé où il le représente auprès de Diane de Gonet qui fut certainement sa maitresse. Rouveyre est représenté mince, pâle, une barbe courte et régulière et le carreau vissé dans l’œil et un air grave et attentif. Ce pastel a été cédé par Elisabeth Rouveyre, sa fille cadette, puis acquis en 1996 chez Sothebys à Londres par K. O. Preis qui en a fait don au musée de Beauvais.


     

Rouveyre et Diane de Gonet

Pastel en cours de Rouveyre pour La Morale de Lignes de Mecislas Goldberg


Rouveyre qui habitait 63 boulevard Saint Michel, un appartement qu’il lui arrivait de prêter à son ami, était voisin de la rue Monsieur le Prince. On le voit poser en costume dans l’atelier alors qu’ils sont en partance pour un bal costumé organisé par Paul Poiret qui invita les deux compères à un bal persan le 24 juin 1911.


La Gandara et Rouveyre posant costumés 22 rue Monsieur le Prince


Lorsque Antonio se maria avec Charlotte Saint André, Rouveyre invité mais souffrant, ne put se libérer et l’on en trouve trace dans cette lettre à la BHVP. « "Cher ami, Quoique cette cérémonie si précieuse pour moi ne sera pas complète puisque vous n’y serez pas, je ne puis qu’approuver votre décision. Rétablissez vous au plus tôt cher ami, en pensant aux jours heureux que nous avons encore devant nous... A bientôt cher ami, ma future femme se joint à moi pour vous envoyer ainsi qu’à Madame Rouveyre nos amitiés. »


Les échanges épistolaires furent nombreux. Ci-dessous quelques inédites :


Lettre de La Gandara à Rouveyre le 15 mai 1911 - "Ce vendredi, Cher ami,

J’espère que vous allez être sous peu tout à fait rétabli ainsi que me le dit votre aimable femme.

Il fait aujourd’hui une de ces chaleurs comme on n’en voit guère souvent, et j’entendrais ce soir les crieurs de journaux, hurler l’explosion de Rémy de Gourmont que je n’en serais pas autrement surpris.

De nombreux scandales dans la maison, ces temps derniers ont porté l’indignation de Cadot au plus haut degré. Je vous raconterai tout cela en temps voulu. Et puis il y a Gat [?] qui a fait un grand portrait représentant son ancienne femme en marron sur un fond d’automne marron, avec à ses pieds un tas de marrons, il compte sur notre protection pour le faire recevoir au salon d’Automne. Quant à Marco, il est, à cause de la chaleur, dans un état de surexcitation indescriptible. Cher Ami, vous m'aviez très aimablement proposé d'aller coucher dans votre appartement du Boulevard St Michel. Veuillez me redire si cela ne vous dérange nullement car nous irions rue de l'Université chez le Philosophe qui doit partir ces jours-ci. Amitiés ainsi qu'à votre femme. Antonio… Et j'attends la belle Cavalieri"


Carte lettre à André Rouveyre du 19 juillet 1911 - "Ce mardi soir - Cher ami,

Cadot me remet votre dépêche. J’allais justement vous écrire que nous ne pourrons aller à Fontainebleau cette année. Ma femme suit un traitement hydrothérapeutique qui lui fait le plus grand bien, et j’ai loué hier, un appartement à Versailles. J’ai eu la chance d’en trouver un donnant sur le Parc. Vous connaissez mon admiration pour ce Paradis terrestre. J’espère que vous nous ferez le plaisir d’y venir et vous verrez que ça n’est pas mal. Donnez-moi de vos nouvelles et croyez à toute mon amitié. Antonio

Mon souvenir à votre femme et embrassez les petites"


Lettre de Rouveyre à Liane de Pougy le 3 juillet 1913 - "Chère Princesse & Amie... Quand vous passerez dans le cœur de France, par ici, faut-il vraiment que j'aie la joie d'espérer que vous vous arrêterez ici une quinzaine ?... Notre ami la Gandara viendra chez moi du 10 à la fin du mois avec sa femme ..."


Antonio et André avaient en commun l’amitié pour Jean Moréas et ce dernier mourant en mars 1910, les convia en compagnie d’Adolphe Willette, à la rédaction de son testament à la maison de santé de Saint Mandé. Les circonstances sont décrites dans les ouvrages de Louis Thomas et de Marcel Coulon.


La fin de cette historiette, c’est André Rouveyre qui en est le porteur avec ce compte rendu que nous relate Michel Georges-Michel dans Peintres et sculpteurs que j’ai connus : "(...) Un autre dimanche, Marcelle Meyer jouait chez moi une œuvre nouvelle de Falla devant Diaghilew, Fokine, Karsavina, Picasso, Massine.

Apollinaire entre, avec Rouveyre. Et celui-ci me dit : La Gandara a cassé sa pipe !

Il souffrait d’une maladie de cœur que les soucis de la guerre avaient aggravée. Il avait recueilli un camarade chez lui. Celui-ci l’avait vu rentrer, très pâle, à l’atelier.

- J’ai tenu à venir, dit La Gandara. J’attends un modèle. Mais je suis passé chez le médecin. Imagine-toi, je ne dois plus manger de viande. Je ne dois boire que de l’eau ..., de l’eau ... Et il s’affaissa. A peine son ami eut-il le temps de l’empêcher de glisser à terre. Il étendit le peintre mort sur le divan de l’atelier.

A ce moment, le modèle arriva - Magdeleine Chaumont - les bras débordants de fleurs. Elle en couronna celui qu’Edmond de Goncourt avait nommé le ‘peintre-gentilhomme’... "


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